Pillages - Maxime de Lisle + Renan Coquin


Pillages - Maxime de Lisle + Renan Coquin

Pillages - Maxime de Lisle + Renan Coquin
Delcourt, 2024, 120 pages


C’est l’histoire de la folie humaine qui détruit la planète, mais aussi celle de volontaires qui essaient de lutter pour sauver ce qui peut l'être. Plus précisément, ce docu-fiction raconte la surpêche qui pille les océans, détruit des écosystèmes, enlève aux pêcheurs traditionnels leurs moyens de subsistance, bouleverse l'économie d'Etats, etc. Tout cela pour répondre à la consommation frénétique de l'Occident et de l'Asie. Si des règles ont été définies pour tenter de contenir les excès, elles sont constamment bafouées. Des ONG, telles Sea Shepherd, tentent de combattre la pêche illégale, y compris en travaillant avec des Etats, comme dans l'histoire de cette BD.

Le fond est très riche : en peu de pages, il couvre quantité de sujets, sans pour autant être indigeste ou inaccessible. Il alterne les planches racontant la vie d'un pêcheur africain obligé de quitter sa famille et son pays pour trouver une nouvelle source de subsistance, celles narrant la mission d'une ONG comme Sea Shepherd et enfin des planches informatives - ces dernières sont ce qui m'a le plus intéressée. En effet, elles sont très claires, en particulier dans la mise en valeur des liens entre différentes problématiques (insécurité alimentaire de certains pays quand d'autres "se gavent", pauvreté, pêcheurs esclaves, corruption, trafics divers, "fonctionnement" de l'océan, etc.). En outre, elles présentent les informations sous des formes diverses : statistiques, schémas, etc. 

Le propos évoque aussi l'engagement des volontaires, leurs ambitions et motivations, la force et la fragilité de ce combat. Sur ce point, je préfère les vidéos des opérations de Sea Shepherd, plus complètes et dynamiques que le format BD.
S'il peut paraître un peu moralisateur (mais comment faire autrement ?), il a l'avantage d'être exhaustif, interroge les pratiques de chacun et leurs conséquences. Comme toujours, c'est à chaque individu d'agir à son échelle pour qu'il se passe quelque chose.

A l'exact opposé du petit bout de la lorgnette que nous tend la plupart des médias, cette BD documentaire offre une vision du monde élargie qui permet à chacun de faire des choix en connaissance de cause.

Un livre nécessaire (et excellente préface de Baptiste Morizot).

« Si l’océan meurt, nous mourons… » (Paul Watson)

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Site de Sea Shepherd France

Je suis charrette (Vie d’architecte) – Danicollaterale

 

Je suis charrette (Vie d’architecte) – Danicollaterale

Je suis charrette (Vie d’architecte) – Danicollaterale
Delcourt, 2024, 208 pages

C’est l’histoire d’Enzo, jeune diplômé qui décroche un stage dans un cabinet d’architecture international. La BD raconte ses premiers pas dans le monde du travail et l’ambiance d’un tel cabinet à travers des figures archétypales (gratinées !)

Le style est enlevé, traduisant à la fois le rythme de travail et la fougue d’un jeune plein d’attentes envers ses premières missions professionnelles. C’est drôle et tendre à la fois et on se sent embarqué dans l’aventure d’office.  Ajoutons que le graphisme est vraiment réussi, à tous points de vue, dont – évidemment – tout ce qui relève de l’organisation spatiale et des bâtiments ; j’ai particulièrement apprécié le rendu de « textures » qui donnent une épaisseur visuelle.

Le fond est loin d’être inintéressant également, que ce soit sur l’univers de ce type d’officine ou, pour les jeunes, quant à ce que peut être le monde du travail en général (la routine, les relations, etc.)

En définitive, une lecture que je recommande, peut-être plus pour la forme que pour le fond, et qui fait passer un bon moment.

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Mort d’une libraire – Alice Slater

 

Mort d’une libraire – Alice Slater

Mort d’une libraire – Alice Slater
(Death of a Bookseller, 2003)
Éditions La Croisée, 2024, 384 pages
Traduction de Nathalie Peronny

 

Roach, libraire à Londres, gère son rayon true crime d’une main de maître. Ses passions : les meurtres non élucidés, les escargots, la mort. Dans la librairie en déclin, débarquent un jour de nouveaux libraires pour une reprise de la dernière chance. Parmi eux, Laura, employée modèle, poète à ses heures perdues, un rayon de soleil face à la sombre Roach. Entre elles, un jeu de fascination et de répulsion s’installe. Et Roach, intriguée par la perfection de façade de Laura, commence à fouiller dans sa vie, jusqu’à aller trop loin.

La présentation éditeur parle d’un « contrepied ironique aux romans feel good » et c’est ce qui m’a incitée à me pencher sur ce roman. En revanche, difficile de déterminer si j’ai aimé ou pas dans l’ensemble.

Ce qui m’a gênée, c’est qu’autant « contrepied » qu’il soit, ce roman est très imprégné du « style feel good » : simple à lire, il est aussi simple sur le fond (autrement dit, basique et superficiel, même quand il soulève des sujets forts, ce qui est frustrant), attaché aux codes sociaux de la société contemporaine (notamment, les rites du quotidien, en particulier des populations urbaines ou encore l’apparence – par moment, j’avais l’impression de m’être perdue sur Instagram), l’accent porté sur l’émotionnel (tout est psycho-drame), etc. Cela dit, je conçois que cette approche fait partie du jeu, même si j’en ai été agacée.

Un autre point qui m’a pesé vient des personnalités des deux narratrices : elles sont aussi caricaturales l’une que l’autre et aussi insupportables. Roach est d’une immaturité abyssale et la volonté de l’opposer à Laura conduit l’autrice à forcer un peu trop le trait. Disons que le second degré ne me semble pas justifier un antagonisme aussi poussé et je n'aurais pas été contre un peu de subtilité.

« Il n’y avait pas de clients pour venir m’interrompre et m’emmerder avec leurs questions. Le rêve, quoi. »

Pour le reste, on passe un bon moment et, exception faite de la réserve ci-dessus, le contrepied est bien pensé (amis du 1er degré passez votre tour !). En particulier, un côté qui m’avait incité à lire le texte, à savoir le contexte fantasmé de la librairie : Alice Slater remet les pendules à l’heure et ne romantise pas du tout le job (et ça fait du bien). J’ai aimé aussi certaines remarques bien vues, l’humour qui transparaît, l’énergie de l’écriture, la façon de décrire une personne qui perd pied, la mise en scène du processus de harcèlement et les jeux de pouvoir. Pas mal de choses finalement !

En résumé, c’est une lecture de détente plaisante qui mérite le détour mais qui sera vite oubliée par manque de profondeur.